Scandale au MJSAC : la ministre Niola Lynn Octavius trempée jusqu’au cou dans la corruption, selon un rapport de l’ECC

Un rapport d’enquête publié par l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) met en cause la gestion du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC), dirigé par la ministre Niola Lynn Octavius. Le document soulève des interrogations sur l’utilisation des fonds publics, la transparence administrative et les mécanismes de contrôle au sein de cette institution.

Fouye Rasin Nou, 11 juillet 2025 – Un rapport d’enquête de 10 pages, publié le 3 juillet 2025 par l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC), révèle un système de corruption profondément enraciné au sein du Ministère de la Jeunesse, des Sports et de l’Action Civique (MJSAC), chargé de promouvoir le développement de la jeunesse haïtienne, qui représente 54 % de la population. Cette enquête, menée entre le 4 et le 30 juin 2025 auprès de 21 personnes, dénonce les dérives d’une administration marquée par le népotisme, les détournements de fonds et le favoritisme, sous la direction de la ministre Niola Lynn Sarah Dévalis Octavius, membre du Rassemblement pour une Entente Nationale (REN). Ces allégations, basées sur le rapport de l’ECC, restent à confirmer par des enquêtes officielles.

Un passé trouble qui refait surface

Selon le rapport, les agissements remontent à 2016-2017, lorsque Niola Lynn Octavius était secrétaire du directeur général adjoint, Erntz Jean-Baptiste, surnommé « Zè Nono ». Elle aurait participé à la délivrance illégale de lettres officielles contre des pots-de-vin, destinées à faciliter l’obtention de visas américains pour des individus sans lien avec le ministère. Ce scandale avait conduit à l’éviction de Jean-Baptiste, mais aucune poursuite n’avait été engagée contre Octavius, qui a poursuivi son ascension jusqu’à devenir ministre sous le gouvernement de Garry Conille. Fouye Rasin Nou a tenté de contacter la ministre pour obtenir sa version des faits, sans réponse à ce jour.

Une gestion contestable des fonds publics

Le rapport accuse la ministre d’avoir utilisé deux cartes bancaires, numérotées 4460-7000-5396-0013 et 5400-7000-5446-0700, émises au nom du ministère et alimentées mensuellement à hauteur de plusieurs millions de gourdes, pour des dépenses personnelles sans justification.

Une hausse suspecte des frais de carburant

À l’arrivée de la ministre, les frais mensuels de carburant s’élevaient à 3 millions de gourdes. Ce montant a rapidement doublé, atteignant 6 millions de gourdes par mois, alors que les allocations des employés diminuaient et que le générateur de l’institution restait souvent à l’arrêt. Aucun rapport sur l’utilisation de ces fonds n’a été produit, alimentant les soupçons de détournement.

Des équipements introuvables

Dans le cadre d’un programme visant à renforcer les capacités des jeunes dans les quartiers vulnérables, 50 millions de gourdes ont été alloués à l’achat de matériels informatiques, sportifs et de véhicules. Entre janvier et février 2025, sept bordereaux de paiement ont autorisé les décaissements. Cependant, selon plusieurs employés interrogés, aucun des biens acquis ne figure dans le patrimoine du ministère.

Vertières : chronique d’un décaissement opaque

Le 16 novembre 2024, la ministre a ordonné le décaissement de 10 millions de gourdes pour les festivités du 18 novembre. Le chèque, émis au nom du comptable Jean Ludner Desforces, a été retiré à la succursale de la Banque Nationale de Crédit (BNC) à l’hôtel Royal Oasis, après des tentatives infructueuses à la Banque de la République d’Haïti (BRH) et à la Banque Populaire Haïtienne (BPH). Un compte bancaire (n° 4140-0002-74) a reçu une première tranche d’un million de gourdes, suivie de 9 millions supplémentaires. Deux semaines plus tard, un chéquier a été remis à Desforces, sous instructions répétées de la ministre, pour émettre plusieurs chèques

Parmi les bénéficiaires figure Jean Vilaire Maître, responsable de la sécurité et proche de la ministre, qui aurait perçu 5 millions de gourdes en espèces :

  • 1 000 000 GHT le 22 novembre 2024
  • 2 000 000 GHT le 26 novembre 2024
  • 2 000 000 GHT le 5 décembre 2024

Le 31 janvier 2025, le compte affichait un solde de 832 gourdes, sans rapport financier produit.

Fête du Drapeau : une opacité coûteuse

La célébration de la Fête du Drapeau, le 18 mai 2025, a coûté 50 millions de gourdes (45 millions pour les activités, 5 millions pour l’impression de drapeaux). Ces dépenses, réalisées sans appel d’offres ni publication détaillée, soulèvent des questions sur la transparence de la gestion des fonds publics.

Recommandations de l’ECC

Face à la gravité des faits révélés, l’organisation Ensemble Contre la Corruption (ECC) appelle à une mobilisation institutionnelle immédiate. Elle recommande la réalisation d’un audit exhaustif des programmes jeunesse et des commémorations organisés par le ministère, ainsi que la conduite d’enquêtes approfondies par l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), l’Inspection Générale des Finances (IGF) et la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA). L’ECC plaide également pour que la Banque de la République d’Haïti (BRH) interdise l’encaissement de chèques publics en dehors du système bancaire, et pour que les fonds détournés soient intégralement remboursés, accompagnés de sanctions à l’encontre des agents impliqués.

Un ministère qui trahit la jeunesse

Le MJSAC, censé être un pilier d’espoir pour la majorité des jeunes du pays, est décrit comme gangréné par la corruption. Plus de 200 jeunes inscrits au programme PASOJEPS attendent leurs indemnités, certains ayant reçu des menaces pour avoir réclamé leur dû. La délégation haïtienne à la Gold Cup 2025, composée en grande partie de proches de la ministre, illustre un favoritisme institutionnalisé.

Une affaire aux enjeux nationaux

Le rapport de l’ECC met en lumière des pratiques systémiques de corruption au MJSAC, impliquant l’utilisation irrégulière de cartes bancaires, des décaissements suspects via Jean Ludner Desforces et des retraits en espèces par Jean Vilaire Maître, proche collaborateur de la ministre Niola Lynn Sarah Dévalis Octavius. Ces révélations, appuyées par des témoignages et des documents internes, font écho à une précédente controverse impliquant Erntz Jean-Baptiste. Dans un contexte où la lutte contre la corruption est cruciale pour la stabilité d’Haïti, ces allégations exigent une réponse rigoureuse des institutions compétentes, respectant les principes d’enquête, de responsabilité et de transparence. Une réforme de la gestion des fonds publics s’impose pour restaurer la confiance des jeunes Haïtiens dans leurs institutions.
Car quand un ministère vole la jeunesse au lieu de l’élever, il ne détourne pas seulement des fonds : il détourne l’espoir, l’honneur et l’avenir d’une nation déjà à genoux.

La corruption semble être le meilleur partenaire des dirigeants haïtiens dans la gestion des fonds publics.

Jean-Pierre Styve / Fouye Rasin Nou (FRN)

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