La violence dans le football équatorien : Une crise qui endeuille le sport en 2025

Cinq footballeurs ont été assassinés en Équateur cette année. Le dernier crime remontant au 17 décembre 2025. Un cycle de violence qui interpelle plus d’un.

 

FOUYE RASIN NOU, Quito/Guayaquil , le 19 décembre 2025_L’Équateur traverse l’année la plus violente de son histoire récente, et le football, autrefois refuge et source de fierté nationale, n’échappe pas à cette spirale meurtrière. En 2025, cinq footballeurs professionnels ont été assassinés dans le pays andin, une série de crimes qui illustre l’emprise croissante du crime organisé sur la société équatorienne. Cette vague de violence touche non seulement les sportifs équatoriens, mais inquiète également la communauté internationale du football, y compris les joueurs étrangers évoluant dans les championnats locaux, parmi lesquels le défenseur haïtien Ricardo Adé, qui joue pour LDU Quito, l’un des clubs les plus prestigieux du pays.

Mario Pineida : la dernière victime qui choque le monde

Le mercredi 17 décembre 2025, Mario Pineida, défenseur latéral de 33 ans du Barcelona Sporting Club de Guayaquil et ancien international équatorien, a été abattu par balles dans le quartier Samanes 4, au nord de Guayaquil, la plus grande ville du pays. L’attaque a également coûté la vie à son épouse, tandis que sa mère a été blessée mais a survécu. Selon les autorités, deux hommes à moto ont ouvert le feu sur le groupe alors qu’ils se trouvaient près d’une boucherie.

Mario Pineida était une figure reconnue du football équatorien. Il avait représenté la sélection nationale lors des éliminatoires pour les Coupes du Monde 2018 et 2022, disputant huit matchs internationaux. Sa carrière l’avait mené de l’Independiente del Valle (2010-2015) au Barcelona SC (2016), puis au Fluminense au Brésil en 2022, avant de retourner au Barcelona SC. Il se préparait à jouer le dernier match de la saison du club ce dimanche contre l’Independiente del Valle, là où sa carrière avait commencé – une circularité tragique qui donne à cette histoire une résonance particulièrement douloureuse.

Le Barcelona SC a publié un communiqué déchirant, exprimant sa « profonde tristesse » et précisant que le club et ses supporters pleuraient la perte de leur défenseur. Le ministère de l’Intérieur équatorien a confirmé le décès et a affecté une unité de police spéciale à l’enquête. Selon des rapports de la presse locale, Pineida avait reçu des menaces de mort et avait demandé un renforcement de sa sécurité au Barcelona de Guayaquil.

Une série macabre qui a débuté en septembre

L’assassinat de Mario Pineida n’est malheureusement pas un cas isolé. Cette année 2025 a été marquée par une escalade terrifiante de la violence ciblant les footballeurs équatoriens.

En septembre, trois joueurs de deuxième division ont été tués par balles :

– Maicol Valencia et Leandro Yépez, tous deux joueurs de l’Exapromo FC (également connu sous le nom d’Exapromo Costa), ont été assassinés dans la ville de Manta. L’un d’eux aurait été lié à une enquête sur les paris sportifs, selon les médias locaux.

– Jonathan « Speedy » González, joueur du club 22 de Junio, a été abattu le 19 septembre dans la ville d’Esmeraldas, une province frontalière de la Colombie.

Octobre 2025 : Un joueur blessé

En octobre, le footballeur local, Bryan Angulo a été blessé par balle lors d’une fusillade alors qu’il assistait à une séance d’entraînement. Il a heureusement survécu à ses blessures.

Novembre 2025 : Le meurtre d’un adolescent

En novembre, Miguel Nazareno, un jeune joueur de seulement 16 ans de l’académie de l’Independiente del Valle, a été tué par une balle perdue alors qu’il se trouvait chez lui à Guayaquil. Le club a déclaré dans un communiqué Instagram que le jeune milieu de terrain et attaquant « est malheureusement devenu victime de l’insécurité qui affecte notre pays », faisant référence à la vague de violence criminelle qui a commencé en Équateur il y a près de cinq ans.

Guayaquil : épicentre de la violence

Guayaquil, la ville portuaire la plus peuplée d’Équateur, est devenue l’épicentre de cette violence. Entre janvier et septembre 2025, la ville a enregistré environ 1 900 meurtres, le bilan le plus élevé de toutes les régions de l’Équateur. Des attentats à la voiture piégée, des fusillades et des extorsions sont devenus monnaie courante dans cette métropole côtière.

L’Équateur, autrefois considéré comme l’un des pays les plus sûrs d’Amérique latine, est devenu une plaque tournante majeure du trafic de cocaïne, situé stratégiquement entre la Colombie et le Pérou, les deux principaux producteurs mondiaux, et les marchés de consommation d’Amérique du Nord, d’Europe et d’ailleurs. Cette transformation géopolitique a entraîné une montée fulgurante de la criminalité organisée et des attaques violentes.

Selon l’Observatoire équatorien du crime organisé, le pays devrait enregistrer son année la plus violente jamais enregistrée, avec plus de 9 000 homicides attendus en 2025. Ce chiffre s’élève à 7 063 décès violents l’année dernière et à un record alors de 8 248 en 2023. En termes bruts, cela signifie qu’en Équateur, une personne est tuée en moyenne toutes les heures.

Le contexte du « conflit armé interne »

Depuis 2024, l’Équateur vit sous un état de « conflit armé interne » déclaré par le président Daniel Noboa pour intensifier la lutte contre les gangs criminels que le gouvernement accuse d’être responsables de l’escalade de la violence dans le pays. Le président Noboa a promis de combattre les organisations criminelles qui ont étendu leurs opérations sur le territoire équatorien en lien avec les cartels internationaux de la drogue.

Malgré le déploiement de troupes pour combattre la violence, les résultats ont été limités. Au cours du premier semestre 2025, les homicides en Équateur ont augmenté de 47 % par rapport à la même période en 2024, selon l’Observatoire du crime organisé. La violence des gangs criminels se poursuit sans relâche, même après la recapture en juin du plus grand baron de la drogue du pays, Adolfo Macías, suite à son évasion d’une prison de haute sécurité en 2024. En juillet, le gouvernement équatorien a extradé Macías vers les États-Unis, où il fait face à de multiples accusations de trafic de drogue et d’armes à feu.

Ricardo Adé : Un joueur haïtien dans l’œil du cyclone

Au milieu de ce climat d’insécurité généralisée, des footballeurs étrangers comme Ricardo Adé, défenseur central haïtien de 35 ans évoluant à la LDU Quito (Liga Deportiva Universitaria de Quito), l’un des clubs les plus prestigieux d’Équateur, vivent avec l’anxiété quotidienne de cette violence.

Ricardo Adé, né le 21 mai 1990 à Saint-Marc, Haïti, est devenu une figure respectée du football équatorien depuis son arrivée à la LDU Quito en janvier 2023. Surnommé « la Panthère Noire » par les supporters de la LDU, Adé est non seulement un pilier défensif de son équipe, mais aussi un symbole de résilience et de détermination. Avant de rejoindre la LDU, il avait joué pour Aucas, un autre club équatorien, en 2022.

Aujourd’hui, il est considéré comme l’un des meilleurs défenseurs centraux de la Liga Pro équatorienne et a également été un membre régulier de l’équipe nationale haïtienne, avec 54 sélections et 2 buts à son actif.

Dans le contexte actuel de l’Équateur, Ricardo Adé, comme d’autres joueurs étrangers, doit faire face à des préoccupations de sécurité accrues. Bien qu’aucun incident spécifique le concernant n’ait été rapporté publiquement, l’assassinat de joueurs équatoriens montre que même le statut de footballeur professionnel n’offre plus de protection. Les joueurs étrangers, en particulier ceux venant de pays comme Haïti qui connaissent également des crises de sécurité, comprennent mieux que quiconque les risques liés à la violence des gangs et au crime organisé.

La LDU Quito, club pour lequel Adé évolue, est basée dans la capitale Quito, qui a été relativement moins touchée par la violence que Guayaquil. Cependant, l’assassinat de joueurs dans tout le pays rappelle que personne n’est totalement à l’abri. Les clubs équatoriens doivent désormais prendre en compte la sécurité de leurs joueurs dans leurs opérations quotidiennes, ce qui représente un changement majeur pour un pays où le football était traditionnellement un espace de célébration et d’unité.

Les implications pour le football équatorien et régional

L’assassinat de cinq footballeurs en un an en Équateur a des implications qui dépassent les frontières du pays. Cette violence soulève plusieurs questions cruciales :

1. La sécurité des athlètes professionnels

Les footballeurs, en tant que personnalités publiques avec des routines prévisibles, sont devenus des cibles vulnérables. Leurs déplacements réguliers entre les entraînements, les matchs et leur domicile les exposent à des risques accrus dans un environnement où les gangs criminels opèrent avec une impunité croissante.

2. L’impact sur les compétitions régionales

L’Équateur participe à des compétitions majeures comme la Copa Libertadores et la Copa Sudamericana. La violence croissante pourrait affecter la capacité du pays à accueillir des matchs internationaux et pourrait dissuader les joueurs étrangers de rejoindre les clubs équatoriens.

3. Le recrutement international

Des joueurs étrangers comme Ricardo Adé apportent diversité et talent aux ligues équatoriennes. Cependant, la détérioration de la situation sécuritaire pourrait rendre le pays moins attractif pour les footballeurs internationaux, affectant ainsi la qualité et la compétitivité du football équatorien.

4. Le moral et la santé mentale

Au-delà des risques physiques, les footballeurs évoluant en Équateur doivent faire face à un stress psychologique constant. La peur pour leur propre sécurité et celle de leurs proches peut affecter leurs performances et leur bien-être général.

Les réactions de la communauté footballistique

La Fédération Équatorienne de Football (FEF) a exprimé ses condoléances après chaque tragédie, mais les appels à une action plus concrète se multiplient. Plusieurs clubs ont demandé aux autorités de renforcer la sécurité des joueurs, tandis que des joueurs individuels ont commencé à employer des gardes du corps privés et à modifier leurs routines quotidiennes pour minimiser les risques.

La CONMEBOL (Confédération Sud-Américaine de Football) n’a pas encore émis de déclaration officielle sur la situation en Équateur, mais l’organisation suit de près l’évolution de la situation. D’autres pays de la région, confrontés à leurs propres problèmes de sécurité, observent avec inquiétude cette escalade de la violence.

Quand le crime organisé s’attaque au football

Les criminologues et experts en sécurité ont longtemps averti que lorsque les États affrontent des marchés criminels fragmentés avec un contrôle partiel, la violence migre souvent des disputes du « monde souterrain » vers la vie publique. En Équateur, le football – traditionnellement un espace de célébration et d’unité – est devenu un autre terrain où le pouvoir armé s’affirme de manière de plus en plus confiante et sans crainte de représailles.

Le ciblage de footballeurs peut avoir plusieurs motivations :

– Extorsion et paris sportifs: Certains joueurs auraient été impliqués dans des réseaux de paris sportifs ou auraient refusé de coopérer avec des organisations criminelles cherchant à manipuler des résultats.

– Messages d’intimidation: L’assassinat de personnalités publiques envoie un message puissant sur l’impunité et le pouvoir des gangs criminels.

– Conflits personnels: Dans certains cas, les motivations peuvent être liées à des conflits personnels ou à des vengeances sans lien direct avec le football.

– Ciblage aléatoire: Dans un contexte de violence généralisée, certains footballeurs peuvent simplement être des victimes collatérales d’une société où la violence est devenue omniprésente.

Perspectives d’avenir : Une situation qui s’aggrave

Malheureusement, les perspectives à court terme pour l’Équateur restent sombres. Malgré les promesses du président Noboa de lutter contre le crime organisé, la violence continue de s’intensifier. Le déploiement de troupes militaires n’a pas réussi à endiguer la marée de meurtres, d’extorsions et d’attentats.

L’assassinat de cinq footballeurs en un an en Équateur n’est pas seulement une tragédie sportive, c’est un symptôme d’une crise sociétale profonde. Le football, autrefois source de fierté nationale et d’unité, est devenu un miroir de la violence qui ronge le pays.

Le football comme miroir d’une nation en crise

L’histoire de Mario Pineida, de Miguel Nazareno, de Maicol Valencia, de Leandro Yépez et de Jonathan González restera comme un sombre rappel de l’année 2025 en Équateur. Ces cinq vies, coupées prématurément par la violence, représentent bien plus que des statistiques : Elles incarnent les rêves brisés d’une nation qui lutte pour retrouver sa sécurité et sa dignité.

Pour Ricardo Adé et d’autres joueurs étrangers évoluant en Équateur, chaque jour apporte son lot d’incertitudes. Mais leur présence continue sur les terrains équatoriens est aussi un acte de courage et de solidarité. Ils rappellent que le football, malgré la violence qui l’entoure, reste un langage universel de passion, d’espoir et de résilience.

Alors que l’Équateur se prépare à entrer en 2026, la question demeure : le pays parviendra-t-il à reprendre le contrôle de sa sécurité et à permettre à son football de redevenir ce qu’il était un espace de joie, de compétition loyale et de fierté nationale ? Ou la violence continuera-t-elle à faucher des vies, transformant les terrains de football en zones de danger ?

Pour le moment, la communauté footballistique équatorienne pleure ses morts, redoute le prochain titre funèbre et espère désespérément que l’année 2026 apportera enfin la paix. Dans cette attente anxieuse, des joueurs comme Ricardo Adé continuent de jouer, de s’entraîner et de rêver, portant sur leurs épaules non seulement les espoirs de leurs clubs, mais aussi le poids d’une nation qui cherche désespérément une issue à la violence.

*Note de la rédaction de FOUYE RASIN NOU* : Cet article a été rédigé dans l’espoir que la lumière jetée sur cette tragédie puisse contribuer à une prise de conscience et à des actions concrètes pour protéger les athlètes et restaurer la sécurité en Équateur.

*Sources* : Al Jazeera, CBS News, LatinAmerican Post, Observatoire équatorien du crime organisé, ESPN, Transfermarkt, Christian Science Monitor, The Haitian Times.

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