Alors que les États-Unis lancent une vaste opération d’expulsion de résidents permanents soupçonnés de liens avec des gangs haïtiens, l’arrestation de Pierre Réginald Boulos fait l’effet d’un électrochoc. Pour certains, c’est enfin le début d’une reddition de comptes ; pour d’autres, une forme de justice implacable que certains appellent simplement le karma. En Haïti, l’interpellation d’une figure de l’élite provoque rarement une enquête nationale, mais presque toujours une défense automatique invoquant le pouvoir, la fortune ou l’ombre du complot. L’impunité reste la règle, jusqu’à ce que la justice vienne d’ailleurs.
Fouye Rasin Nou, le 22 juillet 2025_Le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a annoncé lundi une série de mesures visant à expulser des détenteurs de carte verte soupçonnés de liens avec Viv Ansanm, une coalition de gangs haïtiens récemment désignée comme organisation terroriste étrangère (FTO) par le Département d’État.
Dans une déclaration publiée sur la plateforme X le 21 juillet, Rubio a précisé :

« L’administration Trump a engagé des actions pour appliquer la législation sur l’immigration afin d’expulser des résidents permanents légaux ayant soutenu ou collaboré avec des chefs de gangs affiliés à l’organisation terroriste Viv Ansanm.
Viv Ansanm désigné groupe terroriste
Viv Ansanm regroupe une douzaine de gangs armés opérant principalement à Port-au-Prince, notamment à Cité Soleil, Croix-des-Bouquets, ainsi que dans l’Artibonite. Le groupe est accusé d’avoir mené des attaques contre les forces de l’ordre, détruit des institutions publiques, organisé des enlèvements, commis des viols collectifs et perpétré des exactions contre des civils.
Le Département d’État américain a classé Viv Ansanm comme organisation terroriste étrangère en raison de sa participation présumée à ces actes de grande violence, qui aggravent la crise humanitaire et sécuritaire en Haïti.
Base légale des expulsions
Les expulsions s’appuient sur la section 237(a)(4)(C) de l’Immigration and Nationality Act (INA), une disposition qui permet de retirer la carte verte à toute personne associée à une organisation terroriste. Renforcée après les attentats du 11 septembre 2001, cette loi autorise l’expulsion de tout ressortissant étranger jugé susceptible de menacer la sécurité nationale.
La mise en œuvre est assurée par le Département de la Sécurité intérieure (DHS), en coordination avec l’ICE (Immigration and Customs Enforcement), l’USCIS et le Service de sécurité diplomatique du Département d’État.
Aucun chiffre officiel n’a encore été communiqué sur le nombre de personnes visées. Mais un nom attire l’attention.
L’affaire Pierre Réginald Boulos : un cas emblématique
Le 21 juillet, l’ICE a confirmé l’arrestation de Pierre Réginald Boulos, homme d’affaires haïtien, ancien ministre et résident permanent légal aux États-Unis. Il a été interpellé à son domicile de Palm Beach, en Floride, et est actuellement détenu à Miami. Il comparaîtra le 31 juillet à 8 h du matin devant le juge Jorge Pereira, au centre de détention de Krome.
L’information avait été révélée dès le 18 juillet par le journaliste Valerio Saint‑Louis via Télé Image, relayée ensuite par Radio Télé Métronome, puis confirmée par Fouye Rasin Nou. Fox News et le Miami Herald ont aussi rapporté l’affaire.
Selon les autorités américaines, Boulos est soupçonné d’avoir collaboré avec des chefs de gangs affiliés à une organisation terroriste et d’avoir omis, lors de sa demande de résidence, de mentionner son rôle dans la création du parti MTVHaïti. Le Département d’État affirme qu’il a activement soutenu Viv Ansanm, notamment en finançant et en fournissant des ressources à ses membres.
Les chefs d’inculpation précis n’ont pas encore été rendus publics.
Qui est Pierre Réginald Boulos ?
Figure connue de la classe politique et économique haïtienne, Boulos a été président de la chambre de commerce d’Haïti et fondateur du parti MTVHaïti. Il s’est présenté comme candidat à la présidence lors des élections avortées de 2021. Son nom est souvent cité dans des rapports sur la corruption, sans qu’aucune condamnation n’ait été prononcée à ce jour en Haïti.
Réactions aux États-Unis
Interrogé par l’Associated Press, Rod Joseph, citoyen américano-haïtien et candidat au Congrès, met en garde contre une politique migratoire trop large :
« Si le président cible des criminels, personne ne s’y oppose. Mais si vous expulsez quelqu’un qui n’a commis aucun crime, qui cherche simplement une vie meilleure, cela pose problème. »
Silence en Haïti : l’État haïtien reste muet
Alors que Washington engage des procédures lourdes, aucune enquête ou action officielle n’a été annoncée par les autorités haïtiennes contre Pierre Réginald Boulos. Ce silence ravive les critiques sur le manque de volonté du système judiciaire à poursuivre les membres de l’élite soupçonnés de collusion avec les gangs.
Une nouvelle phase dans la stratégie américaine
L’arrestation de Boulos intervient dans un contexte où Donald Trump, réélu en 2024, a renforcé sa lutte contre les réseaux criminels transnationaux. La priorité semble être de couper tout soutien financier, logistique ou symbolique aux entités perçues comme une menace pour la sécurité nationale.
Pour plusieurs analystes, cette dynamique pourrait entraîner d’autres arrestations de figures haïtiennes influentes vivant aux États-Unis.
Une arrestation qui résonne
Le cas Boulos illustre une réalité troublante : certaines affaires sensibles liées à Haïti trouvent un écho judiciaire à l’étranger, alors que les institutions locales restent inertes. Dans un pays confronté à une crise multidimensionnelle, cette situation souligne l’urgence de rétablir la justice, la transparence et la souveraineté de l’État.
Car toute nation qui refuse de juger ses loups finit par appeler les lions d’ailleurs.
Preuve que même exilée, la justice rôde. Et qu’en son temps, elle frappe.
Comme aime le rappeler notre rédacteur Styve Jean-Pierre :
« Quand le lion dort, les chacals festoient. Mais tôt ou tard, la savane se souvient de qui est le roi. »
Fouye Rasin Nou(FRN)
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