Haïti- Société : L`hymne à la jeunesse, une richesse idéologique mal exploitée

Il est des textes qui sont un joyau et une source intarissable de richesses pour une nation en quête de repère. A ce titre, l`Hymne à la jeunesse, appelé aussi Fière Haïti, est l’un des plus beaux appels au patriotisme et devrait être l’un des textes les plus enseignés à l’école. Malheureusement, ce texte chanté chaque 18 mai n’est pas bien exploité dans le système éducatif haïtien.

Fouye Rasin Nou, le 15 mai 2025_ Écrit par Edouard Antonin Tardieu (1913-2001) en 1937 à la suite d’un concours du ministère de l’Éducation Nationale, ce texte a été mise en musique par le talentueux Desaix Baptiste et est, depuis 1938, chanté chaque 18 mai à l’occasion de la fête du drapeau. Composé de cinq couplets et de deux refrains, ce texte est un rappel du rôle de la jeunesse et de l’Ideal que devrait avoir tout haïtien.

Un Ideal de grandeur revendiqué

« Nous te voulons chère patrie, puissante et forte a tous les yeux. Nous te voulons, terre bénie, digne a jamais de nos aïeux. ». Les premières phrases de ce texte mettent en avant trois éléments très importants. Premièrement, l’auteur rappelle qu’Haïti est une terre “ bénie”. Cette dimension sacrée de la mère patrie impose à ses fils non seulement le respect mais aussi le devoir de le protéger a tout prix de toute profanation de ses fils ou des étrangers. La deuxième dimension réside dans la volonté de voir la patrie « puissante et forte. Delà, apparait d’emblée l’Ideal que devrait poursuivre tout haïtien : Voir un Haïti puissant a tous les points de vue et forte. C’est -a-dire capable de s’autosuffire et d’aborder ses relations avec d’autres pays dans la dignité et la capacite à traiter d’égal à égal. Troisièmement, ce qu’on fait du pays doit être « digne a jamais de nos aïeux » qui nous l’avait laissée « libre et prospère ». Cela rappelle notre devoir de continuer l’œuvre de grandeur et de prospérité léguée par nos ancêtres. Aussi, les ancêtres devraient-ils être fiers du pays et de ce qu’on a fait de leur héritage. En regardant, l’état du pays, chaque haïtien, chaque dirigeant devrait se poser la question : Les héros de l’indépendance seraient-ils fiers de l’état actuel du pays?

Un devoir de dignité et de respect

Le deuxième couplet est tout aussi évocateur.

  « En avant tous, et d'un pied ferme,
Car nous voulons faire sentir
Que par dessous notre épiderme,
Coule un sang pur, prêt à jaillir
Pour te laver, pour te défendre
De toute injure à ton renom,
A tous ceux-là qui veulent tendre
A te salir on dira non! »

En tant que patriotes et haïtiens, ces mots devraient resonner dans nos têtes à chaque action, à chaque décision que nous prenons et qui engage le pays. « Lutter pour son salut » est donc pour les dirigeants et pour la jeunesse haïtienne, un impératif catégorique et une marque de respect pour les sacrifices des ancêtres. « A tous ceux qui veulent tendre à te salir, on dira non ». L’Haïtien a donc le devoir de protéger l’image de son pays. En ce sens, le protéger n’est pas seulement dans les discours mais aussi dans des actions concrètes. Créer un environnement propre, sain, rehausser l’image du pays par ses actions, sont autant de manière d’empêcher de salir le nom du pays.

Un vibrant appel à l’unité nationale

L’hymne a la jeunesse est aussi un appel à l’Unité du peuple haïtien pour une cause commune qui est la rénovation de la patrie. Comme en témoigne le quatrième couplet qui invite les membres de l’Elite et de la masse à joindre leurs efforts pour changer le pays.

« Oui, pour l'honneur de notre race
Il nous en faut des hommes forts
Tous de l'élite ou de la masse,
Unissons-nous dans cet effort,
Pour rénover notre Patrie,
Que tes enfants soient vigoureux
Belle Haïti, mère chérie,
Toujours vaillants comme nos preux! »

Ainsi, la fierté d’Haïti passe par les efforts conjugués de toutes les couches de la société, sans distinction de leur statut social. Cela dit, il ne revient pas seulement aux gouvernements de travailler pour la grandeur du pays. Cela doit résulter d’un effort commun.

Le patriotisme dans toute sa splendeur

« Déployons-là notre bannière
Qu'elle rayonne à tout jamais,
Dans la clarté, dans la lumière
D'une Haïti croissant en paix...
Et s'il nous faut faire la guerre,
Sans crainte, sans peur, sans lâcheté
Nous irons tous comme à Vertières
Combattre pour la liberté »

Le Cinquième couplet est un rappel des origines et de ce qui fait la force et la spécificité d’Haïti : Son amour inconditionnel pour la liberté, peu importe le prix à payer. C’est un rappel qu’on ne doit pas baisser les bras ni compromettre la souveraineté nationale. C’est un écho à l’Ideal du père fondateur de la nation haïtienne, Jean Jacques Dessalines, qui a fait de la souveraineté nationale, la pierre angulaire de sa politique. « Prête donc entre mes mains le serment de vivre libre et indépendant, et de préférer la mort à tout ce qui tendrait à te remettre sous le joug. » Telles ont été les paroles de Dessalines le jour de l’Indépendance et qui font écho dans cet hymne magnifique d’Edouard Antonin Tardieu.

Quid de son utilisation ?

Fière Haïti est sans nul doute l’une des plus belles chansons qui a été composée pour servir le pays. Cependant, malgré toutes ses richesses et les idées qui s’y dégagent, ce texte n’a jamais fait l’objet d’un enseignement soutenu dans le système scolaire haïtien. Le texte a été certes mémorisé par nombre d’écoliers mais n’a pas été comprise en profondeur. Ce n’est pas étonnant que la grande majorité des politiciens haïtiens ou des Haïtiens tout simplement ne font que le contraire de ce qui a été véhiculé dans ce texte. Alors que le pays perd de sa grandeur, les politiciens de tout acabit ne font que se rabaisser et salir l’image du pays aux yeux des autres pays. L’échine courbée, ils ne font que déshonorer l’héritage sacré des ancêtres qui ont combattu pour l’indépendance et la liberté.

Il est donc souhaitable dans le contexte actuel de repenser les valeurs qu’on doit inculquer à la jeunesse haïtienne en perte de repères. Ce texte, cet hymne à la jeunesse aux richesses idéologiques insoupçonnées, devrait donc être mieux enseigné afin de rappeler à la jeunesse son rôle mais aussi les raisons se battre pour son pays et pour sa dignité. Comme l’a si bien souligné  Jocelyne Trouillot, éducatrice et chercheuse reconnue, dans ses travaux publiés dans Le Nouvelliste en août 2014, il est primordial d’avoir une éducation civique forte, capable de former « des citoyens conscients et responsables ».

Voici en annexe, l’hymne a la Jeunesse

''C'est nous jeunesse étudiante,
C'est nous les grands, nous les petits,
Demain la gloire d'Haïti
Les coeurs joyeux, l'âme fervente,
Toujours en avant nous irons,
La tête altière et hauts les fronts.
I
Nous te voulons chère patrie,
Puissante et forte, à tous les yeux,
Nous te voulons terre bénie,
Digne à jamais de nos aïeux
Libre et prospère ils t'ont léguée
A leurs enfants, nous qui t'aimons
Avec ardeur dans la mêlée,
Pour ton salut nous lutterons
II.
En avant tous, et d'un pied ferme,
Car nous voulons faire sentir
Que par dessous notre épiderme,
Coule un sang pur, prêt à jaillir
Pour te laver, pour te défendre
De toute injure à ton renom,
A tous ceux-là qui veulent tendre
A te salir on dira non!
III.
Allons debout fière jeunesse
Pour protéger notre drapeau
Il nous faudra lutter sans cesse
Notre idéal il est bien beau,
N'ayons pas peur, pleins d'espérance
Marchons toujours vers l'avenir,
Marchons toujours avec constance,
Si nous voulons ne point faiblir.
IV
Oui, pour l'honneur de notre race
Il nous en faut des hommes forts
Tous de l'élite ou de la masse,
Unissons-nous dans cet effort,
Pour rénover notre Patrie,
Que tes enfants soient vigoureux
Belle Haïti, mère chérie,
Toujours vaillants comme nos preux!
V
Déployons-là notre bannière
Qu'elle rayonne à tout jamais,
Dans la clarté, dans la lumière
D'une Haïti croissant en paix...
Et s'il nous faut faire la guerre,
Sans crainte, sans peur, sans lâcheté
Nous irons tous comme à Vertières
Combattre pour la liberté
Final Chorus
Nous sommes la race vaillante
Nous sommes les fils des titans
D'Haïti les fiers conquérants,
Nourris de leur gloire éclatante,
Toujours en avant nous irons,
La tête altière et hauts les fronts''

 

Domond Willington/ Fouye Rasin Nou ( FRN)